Ces huit dernières années, les différents sélectionneurs passés à la tête du XV de France ont tous appliqué la politique de l’homme en forme durant leur mandat.
L’équipe de France est désormais éliminée de la Coupe du Monde. Après une phase de poule, il faut le dire, poussive, les bleus sont tout de même parvenus à battre l’Argentine et se qualifier dans la douleur. Bousculés par les États-Unis et les Tonga, les tricolores ont sorti le grand jeu à des gallois surpris par le niveau des Bleus. Pour la première fois, sur 80 minutes, ils ont livré une partie sérieuse. Un match plein qui ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt. Rappelons que nous sommes coutumier du fait. Battre une équipe alors que l’on est annoncé perdants est un scénario déjà vu. Mais pour exister et surtout renouer avec notre histoire et notre palmarès, la régularité doit être le maître mot. Oui, il y a de l’espoir, oui, des jeunes prennent le pouvoir mais ce quart de finale doit être considéré comme un tremplin et non comme une finalité.
Il y a bien des raisons aux échecs incessants de la sélection française. Formation, relation délétère entre la fédération et les clubs dont les intérêts diverges, vous l’aurez compris et surtout constaté, le contexte autour du XV de France a, en partie, précipité sa chute. Concernant le côté purement sportif, il y a un terme que vous avez sûrement déjà entendu lors des discours des derniers entraineurs des Bleus : « La politique de l’homme en forme ». Voilà une autre raison pouvant expliquer les résultats des Bleus.
Plus de 100 joueurs utilisés en 4 ans
Il est d’autant plus étonnant que cette philosophie soit appliquée depuis si longtemps alors qu’elle offre peu de certitudes et des résultats décevants. Pour bien comprendre l’effet néfaste de cette politique, il est nécessaire de regarder ce qu’il se passe ailleurs. Par exemple, chez nos homologues néo-zélandais ou britanniques le maillot se mérite. Il aura fallu deux saisons de haut niveau à un Beauden Barrett, génie de notre temps, pour qu’on lui confie les clés du camion néo-zélandais. Et même lorsque son rendement baisse, comme ce fut le cas avant le mondial, il ne vient pas à l’esprit de Steve Hansen de se passer d’un tel joueur. En Angleterre, même constat avec l’ouvreur George Ford. Entouré de joueurs plus expérimentés, on lui a laissé le temps de mûrir. Encore une fois, lorsqu’il connu un léger passage à vide en 2018, Eddie Jones a maintenu sa confiance en son joueur. A 26 ans, il compte plus de 60 sélections (à titre de comparaison, Guilhem Guirado, 33 ans, compte seulement dix sélections de plus que l’ouvreur anglais). Un fonctionnement d’une logique implacable n’ayant pourtant aucun écho en France.
Dans l’hexagone, la politique de « l’homme en forme » permet à des éléments d’accéder au XV de France rapidement. Trop rapidement. Alors que certains n’ont pas prouvé leur valeur sur le long terme les voilà affublés de la tenue de l’équipe nationale, Saint Graal des joueurs de rugby. Résultat, plus de 100 joueurs sont passés par la case bleue depuis quatre ans. Un chiffre effarant témoignant de l’instabilité qui règne au sein du groupe. Plutôt que d’avoir un effectif bien défini, les derniers sélectionneurs ont choisi de le renouveler sans cesse. Ce choix pose différents problèmes. D’abord, il n’y a aucune continuité. Les joueurs n’ont même pas le temps de prendre leurs marques ou de former une certaine complicité sur et en dehors du terrain avec leurs coéquipiers.
D’autre part, un climat instable s’installe dans le groupe. A la moindre contreperformance, un joueur risque de perdre sa place. Même les « tauliers » sont victimes de cette politique ce qui entraine une autre conséquence : le manque de leaders. C’est plutôt logique, si des joueurs ne parviennent pas à engranger du temps de jeu, ils ne pourront pas prendre de l’ampleur dans le groupe. Si vous ne formez pas de leaders, ils n’encadreront pas les nouveaux venus et ainsi de suite. Ce cercle vicieux tue dans l’œuf tout vécu commun.
La confiance sera la clé !
Le nouveau staff des bleus aura de multiples compétences. Espérons que le bons sens en fera partie. Maintenant que les huit dernières années ont montré que l’apport d’un trop grand nombre de joueurs est parfaitement désastreux, on attend un changement de philosophie. Le problème est qu’ils vont devoir lancer une génération avec peu d’expérience et surtout sans leader expérimenté. Il faudra donc que tous les observateurs, internes et externes, acceptent que ces jeunes pousses… poussent ! Oui, ces jeunes joueurs vont perdre, il ne faudra pas pour autant les sanctionner à chaque faux pas. Ils grandiront alors avec quelque chose d’extrêmement précieux que n’ont pas connu la plupart des joueurs passés par le XV de France depuis 2011 : du temps.