Peu étaient sceptiques avant le début de cette rencontre. Sans faire offense aux australiens, bien entendu, au vu des derniers matchs de la Nouvelle-Zélande, l’histoire semblait écrite ! Plus dominateurs que jamais les blacks ont surpassé les générations précédentes.
Le début de match tonitruant avec deux essais en 10 minutes est plutôt trompeur. Les all blacks sont tranchant comme d’habitude. Mais leur entame est plus due au fait que les australiens aient mis du temps à rentrer dans la partie plutôt qu’à leur talent. Les hommes de Steve Hansen sont privés de ballon, plutôt que de défendre durement les hommes en noir acceptent de laisser l’avancée aux australiens afin de moins se consommer. L’objectif ? Frapper quand l’adversaire est le plus faible. Il suffit de regarder les derniers matchs pour s’en rendre compte, toutes les équipes craquent aux alentours de l’heure de jeu. Ensuite, le rouleau compresseur se met en marche. Une statistique impressionnante illustre ces propos : avant ce match, 47% des essais néo-zélandais sont inscrit dans la dernière demi-heure.
En attendant cette fameuse dernière demi-heure fatidique il faut d’abord mettre à mal son adversaire. Et c’est là que le bât blesse, les australiens ne sont pas venus pour jouer les sparring partner. Mieux, la possession du ballon et la possession territoriale sont pour eux. Il leur faudra une énorme séquence pour passer derrière la ligne. L’incapacité de Beauden Barrett à transformer les essais permet à l’Australie de rapidement recoller au score. 10 à 7, le retard est, en partie, refait. Certes ils rivalisent, mais cela ne suffit pas et comme l’étoile noire étaient au-dessus de l’Eden Park, les blacks ont profité d’une erreur grossière pour faire la différence avant la mi-temps. Rapidement sorti de sa ligne Perenera vient mettre la pression sur Reece Hodge pourtant bien servit. La prise d’élan est trop longue pour le centre des wallabies. Le contre est inévitable, le rebond est en faveur du demi de mêlée des Hurricanes et c’est l’essai. 15 à 10.
Les néo-zélandais sont fébriles, un point faible ? Eux ? Et si l’idée de battre ce vieux record les tétanisait ? L’Australie domine clairement, la stratégie doit changer et pour se faire il faut changer de chef d’orchestre. À la 44′ Barrett sort pour laisser sa place à Aaron Cruden. L’option est plutôt claire, la nécessité de bien gérer le peu d’avance au score est urgente. Encore faut-il maîtriser le jeu pour pouvoir gérer ces 5 points d’écarts. Ce n’est pas le cas, pire, une feinte de passe et une accélération d’un Bernard Foley très en forme, font exploser la défense noire. Speight se présente à hauteur, Foley n’a qu’à transmettre pour son ailier, essai australien ! L’essai ne semble pas porter à confusion pourtant M. Owens fait appel à la vidéo, au ralenti on s’aperçoit que Julian Savea est légèrement bousculé dans sa course, l’empêchant de reprendre Speight. Il est vrai que le numéro 14 australien, Haylett-Petty, change sa trajectoire cependant Savea a déjà du retard lorsqu’il se lance à la poursuite de Speight. Finalement l’essai est refusé, le sélectionneur des wallabies entre dans une colère noire en tribune.
Le match avait basculé en faveur des hommes de Michael Cheika, derniers vainqueurs des all blacks, les australiens avaient la possibilité de rééditer cet exploit. Rien ne dit que la victoire leur était promise mais ils avaient la main mise sur cette partie. Comme un genre de « déjà vue » ? Première alerte deux minutes plus tard, après un bon plaquage de Kaino, Dan Coles à l’occasion d’aplatir le ballon dans l’en-but mais le talonneur néozélandais ne se couche pas sur le ballon, laissant la possibilité à Foley d’aplatir sous son nez. Ce n’est que partie remise, à la 54’ Ben Smith intercepte un ballon dans son camp, avant d’être rattrapé il tape un petit coup de pied rasant, Savea est le premier sur le ballon, effaçant un dernier défenseur, il n’a plus qu’à aplatir. Cette fameuse demi-heure dont on parlait précédemment est arrivée. Peu à peu l’Australie lâche le match, encaissant deux pénalités, l’équipe accuse 15 points de retard sur la Nouvelle-Zélande.
Il ne reste qu’un quart d’heure, le match est plié, les australien sont épuisés. Pas leurs adversaires. Après une énième action australienne, le ballon est arraché dans un ruck sur les 22m néozélandais. Le ballon est rapidement transmit à Ben Smith qui choisit l’axe du terrain, après une phase au sol le ballon est expédié vers l’extérieur. Trois passes plus loin, Savea reçoit la balle au niveau de la ligne médiane. Il n’y eu aucun suspens, avec autant d’espace devant lui l’ailier est inarrêtable. Speight, puis Frisby ont tenté de le stopper mais ce sont littéralement fracassés sur lui. C’est le 45ème essai de Julian Savea en 49 sélections, monstrueux ! Le dernier essai néozélandais est également un petit bijou, l’ordre parmi le chaos. La séquence est extrêmement longue, environ 3 minutes en fin de match, ça pique ! D’abord à l’attaque les néozélandais se font intercepter, le talonneur, Dan Coles, fait l’effort et parvient à faire perdre le ballon à Mumm. Cruden récupère et donne à Coles qui parvient à faire un crochet pour lancer le jeu ! L’action se poursuit, Coles en position d’ouvreur le temps d’une passe aère le jeu. Quelques temps de jeu plus tard le ballon est perdu au contact dans les 22m australiens. Foley doit trouver la touche, il la manque. Dagg récupère, écarte vers Smith qui transmet à Savea. On le voyait déjà en terre promise après avoir éliminé Hooper, mais l’ailier se fait rattraper à quelques centimètres de la ligne. Qui a suivi ? Le talonneur, Dan Coles, encore lui ! Il est le premier joueur au soutien. Dans la chute Savea lui transmet le ballon pour un essai incroyable.
Ce dernier essai est magique, il représente à lui seul toute l’habilité, le talent et la polyvalence de tous les joueurs néozélandais. Ce n’est pas seulement la meilleure équipe du monde sur le terrain. Une bataille contre les All blacks doit aussi se gagner psychologiquement, pour l’instant aucune équipe n’a été capable de le faire depuis le rugbychampionship 2015. 18 succès consécutifs… Cette série est incroyable, qui d’autre qu’eux aurait pu battre ce record ? Personne. Pour l’histoire, le Nouvelle-Zélande est désormais l’équipe la plus forte de tous les âges.